LES CONDITIONS DE LA PERFORMANCE
- tonychapron
- 30 mai 2019
- 4 min de lecture
LES CONDITIONS DE LA PERFORMANCE
UN MANAGEMENT DES HOMMES
Les magazines spécialisés dans le management (Le journal des RH, Management, etc) regorgent d’articles très intéressants, mais je viens de lire un article passionnant sur le management des hommes, dans un journal qui ne traite pas de ces sujets a priori. Le vendredi 24 mai, dans L’Équipe, Christophe Galtier, entraineur de l’équipe de football de Lille, livre une vision des conditions de la performance de son équipe. Un discours qui explique le formidable parcours de Lille (2èmedu championnat derrière le PSG) et qui devrait inspirer celles et ceux qui cherchent à créer une dynamique collective vers le succès.
Voici synthétisé, en 11 points clés, le management à la « sauce Galtier » :
1. L’élément fondamental, à l’heure des interrogations sur l’intelligence artificielle, repose sur la gestion des hommes. Toute structure fonctionne d’abord sur l’alchimie entre les individus qui la compose. « On a eu peu de difficultés de gestion de vestiaire ». Les tensions rencontrées ont été gommées par les résultats positifs.
2. Pour mener un projet vers la performance, il faut définir des règles de fonctionnement claires et acceptées de tous, sur lesquelles chacun va pouvoir se reposer et qui serviront de guide tout au long de l’aventure. Pour faire en sorte que « les règles de base » soient acceptées par tous, elles ont été « validées avec les cadres ». Ils ne sont pas les auteurs de ces règles mais en les validant, ils marquent une responsabilité collective. Dès lors chacun des membres du groupe devient un garant du respect des règles. C’est pourquoi, comme le souligne Galtier, « personne ne s’est écarté de la ligne de conduite ». Des règles simples, validées et acceptées par tous, auxquelles personne ne déroge sous peine d’être exclu ou rappelé à l’ordre.
3. Dès qu’il y a eu un dérapage, le manager a tout de suite recadré le groupe. Ainsi, dès le premier match de préparation, celui-ci constate que son groupe a fait « n’importe quoi ». Le lendemain, le message est clair, « je leur ai dit : plus jamais ça ».
Un message fort au premier accroc dans le fonctionnement du groupe. Marquer les esprits au risque d’être impopulaire. C’est aussi cela la force d’un leader. Toutefois, le risque est faible puisque le cadre avait été défini au préalable. Voilà à quoi servent les règles de fonctionnement : assurer la pérennité du projet et garantir la vie du groupe.
4. A partir de ce socle de règles de fonctionnement, la discipline collective s’est instaurée d’elle-même. Si bien que le manager a trouvé des relais dans le groupe pour rappeler l’objectif commun. « Je n’ai pas accepté de débordements dans la vie du groupe [et l’un des cadres] a inculqué cela [aux autres] ». « Il était inacceptable qu’un joueur manque une séance d’entraînement et qu’il ne respecte pas l’équipe ». Pour avancer ensemble, il faut respecter le travail de chacun. Le collectif devient la priorité, l’individu se fond dans celui-ci pour réaliser une performance individuelle au service du groupe.
5. Pour garantir l’équilibre du groupe, le manager se doit d’avoir un comportement équitable vis à vis de tous ses collaborateurs. « J’ai essayé d’être le plus juste possible ». L’adhésion au projet porté par le décideur repose essentiellement sur le sentiment de justice de traitement de tous : les mêmes droits et les mêmes devoirs.
Dans cette perspective, l’entraineur insiste, « il n’y a eu aucun passe-droit ». L’équité entre chaque membre de l’organisation contribue à l’acceptation des choix opérés par le manager quand bien même sont-ils difficiles à digérer pour certains.
6. Il est aussi bon de rappeler certains principes basiques pour réaliser ses objectifs. « Ils ont bossé, bossé ». Pour obtenir des résultats, le talent ne suffit pas, il faut savoir se mettre au travail. Travailler dur, ce n’est pas un gros mot. C’est le rappel d’une valeur essentielle : pour réussir il faut beaucoup de travail.
7. Il faut aussi du talent et des compétences. En l’occurrence, l’équipe n’en manque pas et les mots sonnent juste lorsque Galtier précise « beaucoup de compétences agglomérées ». Il ne dit pas juxtaposées ou empilées. Car agglomérer c’est réunir, former un bloc compact. Toutes les compétences se sont imbriquées au service du collectif et chaque maillon a formé une chaine solide et solidaire. Il y a un effet synergique lorsque les compétences servent le collectif et non l’individu.
8. Le rôle du manager c’est aussi guider, aider, soutenir. Ainsi, « dans mes causeries, avec un effectif jeune, j’insistais sur le rôle de chacun, pour donner des repères ». Lorsque les rôles sont clairement définis, les tâches sont accomplies avec fluidité. Et plus encore, ils obligent à prendre des responsabilités et à les assumer. Il n’est pas plus déresponsabilisant que de donner des consignes floues, versatiles ou incomplètes. C’est l’assurance d’une fuite de responsabilité. Lorsque l’on donne des repères, c’est parce que l’on donne du sens à ce que l’on fait. Sur un chemin de randonnée, les repères indiquent le chemin à suivre, dans l’entreprise ils nous disent vers où l’on va ensemble.
9. Le rôle du manager c’est aussi accompagner. Lorsque son groupe a évoqué de nouvelles ambitions, s’est fixé de nouveaux objectifs. Plutôt que de doucher leurs espoirs, leurs aspirations, « j’ai laissé faire. Pourquoi freiner leurs ambitions ? » Il a tout mis en œuvre pour les mettre dans les meilleures dispositions pour qu’ils soient en mesure de réaliser leurs rêves. Lorsque le manager est capable de transformer l’objectif de l’organisation en ambition collective, on peut légitimement penser qu’il a réussi sa mission.
10. Et, lorsque les tensions surviennent, plutôt que de les masquer, il faut s’ouvrir au dialogue. Entendre le malaise, écouter les mécontentements, accepter les critiques pour mieux dissiper les malentendus. « Si [un joueur] n’acceptait pas mes décisions, on en parlait dans mon bureau ». En instaurant ce point d’écoute, les ressentiments qui gangrènent les collectifs sont très vite apaisés.
11. Lors de la cérémonie de récompense du football professionnel, « ils étaient sapés au top ». Anecdotique me direz-vous ? Eh bien, je ne crois pas. Cela témoigne du respect dû à l’entité que l’on représente. Cela tient au respect des codes et des normes de fonctionnement internes. Que le manager souligne ce point, c’est aussi en contraste avec ce que les autres « joueurs, clubs » renvoient comme image. Si « ses » joueurs ont fait l’effort de s’habiller correctement, c’est presque une marque de fabrique du management. Une preuve d’adhésion au discours et à la méthode.
Pour conclure
Je ne suis pas habilité à dire que Christophe Galtier est un grand entraineur de football (mes connaissances en la matière sont limitées, mais j’ai un avis sur la question). Ses pairs viennent de le désigner meilleur entraineur du championnat de France.
En revanche, je suis convaincu qu’il est un très grand Manager.
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